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INTERVIEW DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE AVEC RTI & FRATERNITE MATIN LE VENDREDI 30 MARS 2012


  • Monsieur le Président, nous allons commencer par l’actualité sous-régionale avec le coup d’État au Mali. Avec la Cedeao que vous dirigez, vous avez répondu par la fermeté. Pourquoi ?
    Je voudrais vous remercier Agnès et Pascal. Je vous remercie tout particulièrement pour cette opportunité parce que vous l’avez dit, cela fait un peu plus d’un an que j’ai été élu au suffrage universel par nos compatriotes. C’est un honneur, une charge. Je pense que le moment est venu de parler à mes compatriotes. Et leur dire comment j’ai trouvé la Côte d’Ivoire. Ce que nous avons pu faire depuis un an et surtout indiquer où nous allons et comment y arriver. C’est une opportunité dont je me réjouis personnellement. Je dois signaler que j’avais souhaité le faire depuis plusieurs mois, mais à maintes occasions, nous avons été obligé de reporter cela. Ce soir, je parlerai à nos compatriotes. Commençons par le Mali. C’est un pays voisin de la Côte d’Ivoire, un grand pays. C’est un pays fondateu de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) qui a toujours eu d’excellentes relations avec la Côte d’Ivoire. Je dirais même, au plan personnel, que quand ma mère a été exfiltrée pendan la grave crise en 2002, c’est au Mali qu’elle a trouvé refuge. Ceci crée des liens. nous sommes préoccupés par la situation dans ce pays pour deux raisons. La première, ce qui s’est passé est un coup d’état contrela démocratie. Le Mali était une fierté pour nous les démocrates. Ce pays a connu 20 années d’élections normales, et un environnement d’état de droit. C’est aussi un pays qui, malgré ses difficultés, allait de l’avant, faisait des progrès. Et ce processus a été interrompu par un coup de force. Cela est inacceptable ! D’autant plus que c’est un mauvais exemple. nous étions fiers, il y a quelques mois, de dire qu’en Afrique de l’ouest, les régimes démocratiques sont maintenant majoritaires, et que les quelques cas qui restent, et que je ne citerai pas, sont des cas que nous allions traiter pendant le mandat que mes pairs ont bien voulu me confier. La deuxième raison, le Mali est menacé de partition. nous ne pouvons pas accepter cela, ni au niveau de la Cedeao, ni au niveau du continent africain. nous devons préserver à tout prix son intégrité territoriale. Je m’y emploierai personnellement, avec mes pairs de la Cedeao. Et nous devons réussir parce que si le Mali est divisé, ce sera un mauvais exemple. Je considère que cette fermeté est dans l’intérêt du Mali et des Maliens. Evidemment, nous souhaitons tous ne pas en arriver à l’application de sanctions. Et pour cela, la junte militaire qui a fait le coup de force doit rendre le pouvoir aux autorités constitutionnelles afin qu’ensemble, nous pussions trouver les voies et moyens pour faire en sorte que la légitimité soit installée. Et que nous pussions nous consacrer au programme de développement du Mali et régler le problème de la préservation de son intégrité territoriale.
  • La légitimité, c’est soit le retour de ATT, soit l’intérim assuré par le président de l’Assemblée nationale.
    Pour moi, l’analyse est simple. Les Maliens ont élu un Président après voir mis en place une Constitution. Ils ont également élu des députés et dans la Constitution, les choses sont claires : le Président de la République va jusqu’au terme de son mandat. Il reste deux mois à ATT. Il devrait être remis en selle pour terminer ces deux mois. Maintenant, il lui appartient, compte tenu des circonstances, de se prononcer. Je crois qu’il a dit sur des radios que sa personne importe peu. Et en ce moment-là, le jeu constitutionnel doit se mettre en oeuvre. Cela s’est produit dans d’autres pays. Une fois que ce problème est réglé, il faut effectivement un gouvernement d’union nationale qui permette à tous d’avoir confiance et de faire en sorte que les élections aient lieu dans un délai court. La Constitution malienne est à peu près comme la nôtre. En cas de vacance dupouvoir, de démission du Chef de l’état, des élections doivent être organisées dans un délai de 21 jours au moins et 40 jours au plus. Il appartiendra à la classe politique de voir si cela est possible. Autrement, la Cedeao sera donc disponible pour leur donner un délai supplémentaire. Mais pas un délai de très longue durée.
  • Nous allons revenir sur les risques d’implosion du Mali dont vous venez de parler . Aujourd’hui, nous savons que Kidal est tombée entre les mains de la rébellion. Personne ne peut prédire jusqu’où elle ira. Nous voulons savoir ce que fera la Cedeao pour empêcher son avancée.
    nous avons mis en alerte les forces d’attente au sein de la Cedeao. nous avons deux mille hommes dans cette force. nous avons des équipements, nous allons demander à la communauté internationale de nous appuyer, d’appuyer le Mali, les soldats maliens. La solution, c’est d’éviter la guerre. Mais si la légitimité est rétablie et que ces mouvements armés se rendent compte qu’il y a une mobilisation régionale et internationale, ls quitteront Kidal tout de suite. Parce qu’ils savent ce qui pourrait leur arriver.
  • Vous nous assurez que l’armée ouest-africaine sera aux côtés du peuple malien.
    L’armée ouest-africaine doit venir au secours des Maliens. Ce qui leur arrive, peut nous arriver à nous tous. Un dérapage au Mali est une menace pour tous.regardez déjà le nombre des réfugiés du Mali qu’accueille le Burkina Faso. Il nous faut y rétablir la légalité et l’ordre constitutionnel et je m’y emploierai avec le soutien de mes pairs Chefs d’Etat. Les jeunes de la junte, pour justifier leur coup de force, ont dit aux ministres des Affaires étrangères et aux chefs d’état major de la Cedeao qu’ils avaient pris les armes parce que le peuple malien souffrait et qu’une partie de la population risquait d’être isolée du reste du pays. Mais la Cedeao en est soucieuse et tient à alléger les souffrances de ce peuple. si le capitaine Sanogo et ses camarades sont tant préoccupés par le bien-être des Maliens, comme ils le disent, qu’ils déposent les armes et respectent l’ordre constitutionnel. D’autant que le Président Amadou Toumani Touré doit quitter le pouvoir dans deux mois, soit le 8 juin. La meilleure façon pour la junte d’abréger les souffrances des Maliens, c’est d’entrer dans la république. Et j’ai dit au téléphone au capitaine Sanogo que ce qu’il faisait était très grave. Que la place des militaires était dans les casernes. Et je crois que nous nous sommes compris.
  • Coup d’État au Mali, menace terroriste au Nigeria avec la secte Boko Haram…
    Vous pourrez aussi indiquer les menaces en Guinée Bissau. Le Nigeria a pris des mesures fortes contre Boko Haram et c’est ce qu’il nous faut réussir au Mali. Demain (aujourd’hui samedi), j’enverrai une mission composée des ministres des Affaires étrangères et des Cema (chefs d’état-major des armées) en Guinée Bissau, pour aplanir les incompréhensions et juguler les différentes menaces. pendant mon mandat à la tête de la Cedeao, je veux oeuvrer pour le respect de la légalité et le renforcement de la stabilité sociopolitique, pour que les pays engagent résolument la bataille du développement.
  • Que vous inspirent les résultats de la présidentielle au Sénégal ?
    heureusement qu’il y a eu le Sénégal, ces jours-ci. Je salue le Sénégal, je salue le président Abdoulaye Wade, qui a été très élégant et qui, avant les résultats du second tour, a appelé au téléphone son concurrent, Macky sall, pour lui dire : « Félicitations petit frère, c’est vous qui avez gagné, vous êtes le Président». Dix minutes après, j’ai parlé avec le président Wade au téléphone et j’ai aussi félicité le nouveau Président de la République du Sénégal, Macky sall. Je dois, toutefois, vous dire que je ne suis nullement surpris par ce qui s’est passé au Sénégal pendant cette élection.
  • On vous voit très actif à l’Union Africaine. Président de la Cedeao, vous vous impliquez dans la recherchede la paix dans notre sous-région. Est-ce le retour de la diplomatie ivoirienne ?
    Au mois de mai, j’avais visité 12 des 15 pays qui composent la Cedeao. Dans ces différents lieux, j’ai indiqué que la Côte d’Ivoire est un pays d’hospitalité et qu’elle comptait le demeurer. J’ai également indiqué que la Côte d’Ivoire était un pays d’ouverture. Au début, me faire comprendre n’a pas été facile parce que pendan la crise post-électorale, des ressortissants de ces différents pays ont souffert le martyre. Ils sont nombreux ceux qui ont perdu la vie. J’ai, chaque fois, noté que pour les Ivoiriens, après cette parenthèse douloureuse, le passé était passé et que le plus important était de se tourner vers l’avenir. Aujourd’hui, les choses commencent à aller pour le mieux et les frères de la sous-région sont de retour sur leur terre d’accueil qu’ils n’auraient jamais dû quitter.
  • Au-delà de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao), parlons de l’Union africaine. Blocages avérés, incapacité des Chefs d’Etat à s’entendre pour choisir le président de la Commission de l’Union africaine. Où est-ce que vous allez avec ces dissensions ?
    nous n’en sommes pas très fiers. Je pense que nous aurions dû élire le président de la Commission de l’Union africaine à Addis-Abeba. beaucoup de choses se sont passées, je ne reviendrai pas là-dessus. pour moi, la démocratie, c’est 50% plus un vote. Jean Ping a gagné trois fois de suite les scrutins qui se sont tenus. Il y a eu un blocage parce que les règles de l’Union africaine sont très compliquées. nous nous sommes réunis, récemment à Cotonou au Bénin. nous allons trouver une solution. J’espère qu’à lilongwe au Malawi, au mois de juillet, nous allons pouvoir élire le Président de la Commission de l’Union Africaine. nous avons demandé aux deux pays qui avaient des candidats, le Gabon et l’Afrique du Sud, de se retrouver et de nous faire des propositions. nous pensons qu’ils sont en train de se concerter. Ils nous ont promis de venir avec une proposition de solution.
  • En tant que Président de la République, vous l’êtes.
    En tant que Président de la République, je le suis.
  • Cela ne suffisait-il pas ?
    Je ne suis pas à la recherche de pouvoirs exceptionnels. J’avais un Premier Ministre qui avait réussi à tisser des rapports très étroits avec les deux armées qui se sont combattues. parce que je suis un homme d’engagement et de parole, j’ai cédé le poste de premier ministre au pdci-rda. Guillaume Soro est maintenant le Président de l’Assemblée Nationale. nous avons une restructuration importante à faire au niveau des Forces de défense et de sécurité. la sécurité s’améliore. Mais je veux construire une armée forte, professionnelle, une armée dont nous serons fiers, une armée républicaine, comme son nom l’indique d’ailleurs. Il ne s’agit pas seulement de la protection de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens, je veux aller au-delà. Je veux que notre armée puisse aller, par exemple, aider les Maliens quand ils ont des difficultés ; qu’à l’avenir, elle puisse donner des soldats, des sous-officiers, même des officiers, y compris des officiers généraux, pour les forces de maintien de la paix dans d’autres pays, sur d’autres continents. Je veux que la Côte d’Ivoire rayonne. Qu’on sente qu’elle est un pays qui compte. Je ne dis pas que c’est par l’armée que cela se fait, mais nous devons restructurer le système. J’ai réglé les problèmes économiques. le programme des pays pauvres très endettés, nous en parlerons ; c’est dans quelques semaines. Je considère que les grands travaux sont lancés. nous avons encore quelques chantiers, c’est vrai, mais je pense que la défense est un point dans lequel je veux m’impliquer. Je veux donner les orientations. Je veux présider moimême la restructuration. Je veux pouvoir connaître tous les échelons dans l’armée. Que ce soient, les généraux, les colonels, les commandants, je veux pouvoir faire la promotion dans l’armée. Je veux que l’armée se dise que nous avons maintenant un chef suprême qui est juste, qui tient compte de la compétence, du mérite, de l’ancienneté, avant de promouvoir les uns et les autres. Je veux donner confiance à l’armée.
  • En tant que ministre de la Défense, ne désavouez-vous pas la hiérarchie militaire ? Vous avez dit, il n’y a pas longtemps dans les colonnes d’un confrère étranger, je vous cite : “ J’ai convoqué il y a peu tous les généraux pour leur dire ceci. S’il n’y a pas d’amélioration notable en la matière dans les trois mois, je mets un terme à vos fonctions.’’ N’est-ce pas pour mettre un terme à leurs fonctions que vous avez décidé de porter le costume de ministre de la Défense ?
    Point du tout ! la preuve, il y a eu une amélioration. C’était exactement le 19 décembre. J’ai eu cette réunion dans ce bureau (ndlr : le bureau du président de la république). J’étais choqué par ce qui est arrivé à Vavoua. C’était la suite de plusieurs événements. J’ai indiqué aux responsables que leur responsabilité était engagée comme la mienne. En allant vers mes compatriotes pour devenir président de la république, j’ai dit à mes concitoyens que je les protégerais. Je ne peux pas accepter une situation de désordre, de tuerie et autres par rapport à nos concitoyens et d’autres personnes qui vivent sur notre territoire. J’ai considéré que c’était leur responsabilité. Ils l’exercent très bien, je suis satisfait de mes responsables et les choses se passent bien. Mais vous savez, il y a eu deux armées qui se sont affrontées. nous devons restructurer l’armée. Cela veut dire les intégrer, leur trouver du matériel, les avions, les bateaux, toutes sortes de munitions, ainsi de suite. Ceci demande aussi un programme économique en réalité. si je prends en charge la Défense, ce n’est pas pour dénier leur responsabilité ; bien au contraire, c’est pour les appuyer, les aider à faire en sorte que très rapidement, notre armée soit moderne.
  • Quand le Président de la République prend le Ministère de la Défense, c’est que le pays est en situation d’exception.
    pas du tout. J’ai été élu démocratiquement. la Côte d’Ivoire ne peut donc pas parler d’exception. Ce n’est pas du tout le cas.
  • Vous avez dit à deux ou trois reprises que la sécurité s’améliore. M. le Président, beaucoup d’Ivoiriens ne sont pas rassurés. Il y a des actes de certains membres des Frci qui ressemblent à de la défiance. Comment mettre fin à cela ? Comment les ramener sur le droit chemin ?
    Je comprends que les problèmes d’insécurité, même s’il y a une amélioration, on en enregistre toujours. Qu’est-ce que nous avons fait ? J’ai indiqué tout à l’heure que l’on avait abordé la question lors de la réunion du 19 décembre. En quelques semaines, nous avons amélioré la situation à Abidjan. Certaines de ces personnes que vous appelez Frci, ne sont, en réalité, que de faux Frci. Quelques fois, ce sont des combattants, des miliciens, d’anciens prisonniers… qui se sont déportés à l’intérieur. Et là, nous avons également mis en place un programme. Et quand ils ont vu que les grands axes routiers étaient protégés, ils ont pris des routes latérales et les pistes…nous allons faire en sort que les Ivoiriens soient protégés. Il y a des améliorations, même à l’intérieur, vous le savez bien. Cela continuera avec surtout la restructuration des Forces de défense et de sécurité.
  • Permettez que je m’adresse au Ministre de la Défense que vous êtes, comment reconnaît-on un faux Frci d’un vrai ?
    Je ne peux pas le faire parce que des uniformes ont été volés pendant cette crise. on a donné des numéros matricules aux vraies Frci. En tout cas, ceux qui ont été recrutés et ceux qui y étaient déjà, au niveau des Fanci par exemple. C’est pour cela que des unités ont été constituées pour vérifier l’identité de ceux qui sont arrêtés. Cela m’a permis de retirer du circuit près de 400 personnes qui se faisaient passer pour des Frci. bien entendu, nous avons des quotas additionnels pour recruter un certain nombre de jeunes combattants. parce qu’ils ont participé tout de même à cette crise. Certains ont pu être recrutés, à peu près mille. Mais, la difficulté, c’est que beaucoup ont passé l’âge de devenir militaire ou n’ont pas le niveau intellectuel nécessaire. Il y a des règles à mettre en place. Et en fonctionde ces règles, nous continuerons certains recrutements et ferons en sorte que ces combattants ou anciens combattants qui ont contribué à la sortie de crise puissent avoir un avenir. Cela ne veut pas dire que tous doivent intégrer l’armée. Il faut également que ces jeunes gens comprennent qu’il n’y a pas que l’armée. Il y aura de grands projets. nous en avons recruté beaucoup pour des projets spécifiques. nous continuerons de le faire. nous ferons en sorte qu’ils aient un avenir et abandonnent les armes. parce que ne doivent porter les armes que ceux qui en ont le droit. C’est-à-dire les militaires. nous allons donc désarmer tous ceux qui ne doivent pas en avoir.
  • Pourquoi cela prend-il autant de temps M. le Président ?
    Parce que ce sont des questions complexes. Il faut du temps pour bien les régler. si, vous ne le faites pas, vous créez une situation d’instabilité. Quand j’ai véritablement pris fonction, les anciens responsables des armées sont venus me faire allégeance. Et depuis, ils se comportent de manière totalement républicaine. Je viens de proposer au président Ali bongo d’accréditer le général philippe Mangou comme Ambassadeur de la Côte d’Ivoire au Gabon. Il a accepté. J’ai proposé au président Abdoulaye Wade que le général Edouard Kassaraté soit nommé Ambassadeur de Côte d’Ivoire au Sénégal. Il a également accepté. D’ailleurs, il va avec moi au Sénégal, ce week-end. pour assister à l’investiture du nouveau président, Macky sall. Ces généraux, après le 11 avril, je les ai reçus individuellement et j’ai parlé avec eux. Ils m’ont dit des choses que je garde pour moi. Mais, j’ai été ému. parce que pour beaucoup, il y avait énormément de contraintes… Ce sont des hommes bien pour la plupart. Mais, vous savez, si l’on vous menace- pas vous-même parce que vous êtes militaire et vous êtes censé vous battre-, mais votre femme, vos enfants, vos filles. pardonnezmoi, Madame, de le dire, mais si l’on menace de violer vos enfants… à un moment donné, vous craquerez. Je ne voudrais pas revenir sur cette crise qui nous a tant traumatisés. Mais, je veux faire la part des choses. J’ai reçu près de 200 chefs militaires avant de procéder aux nominations dans l’armée. parce que je voulais les connaître individuellement. Y compris, d’ailleurs, les anciens commandants de zone. J’ai parlé à chacun d’eux. En présence du Premier Ministre. parce que je voulais leur dire des choses concernant notre pays. Je ne suis pas le président d’un groupe. J’ai été élu démocratiquement avec un score important. Je suis le président de tous les Ivoiriens. Je leur ai dit : « Si vous avez servi un autre Président, c’était votre devoir. Maintenant, il y en a un nouveau, vous devrez le servir avec loyauté ». Et je suis satisfait de leur comportement…
  • Si demain, certains commandants de zone étaient mis en cause, cela ne constituerait-il pas une menace pour votre régime ?
    Non, pas du tout. Je considère d’abord que c’est un faux procès que certaines organisations des droits de l’homme font. J’ai montré ma détermination à respecter l’Etat de droit. nous avons créé une Commission nationale d’enquête qui va terminer son travail dansdeux ou trois mois. Et au terme de son travail, les documents seront rendus publics. si certaines personnes ont commis des crimes, elles passeront devant le juge. Il n’y aura pas d’exception.
  • Par rapport à cette commission, justement, vous venez de nommer sa présidente ministre délégué à la Justice. N’y a-t-il pas de raison de douter de l’objectivité de cette commission ?
    Non. Moi, je cherche les meilleurs à chaque fois que je dois nommer une personne. Je donne ma préférenceaux femmes d’ailleurs (rire). C’est le reproche qu’on me fait et je m’en honore, puisque le nouveau Gardedes sceaux est une femme. Qu’est-ce qui s’est passé ? la Commission nationale d’enquête a été mise en place et le Ministre de la Justice est venu nous proposer unesérie de magistrats. nous avons constaté qu’elle était la plus gradée. Elle est hors hiérarchie. Du point de vue de son travail, son objectivité, elle était impeccable et ella été nommée à ce poste. Et à l’occasion du changementde gouvernement avec Me Ahoussou comme premier ministre, j’ai préféré qu’il continue de garder la Justice, parce qu’il y faisait du bon travail et nous avons d’importants dossiers à gérer. Je lui ai dit : “ Cherchons un Garde des Sceaux, de préférence, une femme ” et mon choix s’est porté sur elle. J’attends qu’il me fasse des propositions à nouveau pour le président de la Commission nationale d’enquête.
  • Certains hommes sont en armes dans les villes de l’intérieur avec le phénomène des coupeurs de route. Les Ivoiriens rentrent chez eux la peur au ventre…
    Cela est vrai, mais nous y travaillons et vous voyez qu’il y a des résultats. Vous savez, tous les matins, je reçois des rapports de la gendarmerie, de l’état-major qui me disent combien il y a eu de braquages, de coupeurs de route, etc. Il y a trois semaines, pour les coupeurs de route, c’était au moins dix cas par jour. Mais nous sommes déterminés à enrayer ce phénomène et nous allons le faire. Il y a quelque chose qui me gêne, c’est le problème de l’embargo sur les armes. parce que pour régler ces problèmes, il faut des armes aussi. Quelquefois, ces coupeurs de route sont mieux armés que l’armée elle-même, ainsi que la gendarmerie. nous allons faire les démarches nécessaires auprès de pour avoir ce qu’il faut. Je pense que les choses vont se régler rapidement pour que nous montions en puissance et allions faire face à ce problème. Je peux en donner l’assurance à mes compatriotes.
  • Vous parlez de moyens de la police, de la gendarmerie pour assurer la sécurité des citoyens. Mais il y a aussi le problème de logements des policiers. Ils sont menacés d’expulsion des maisons qu’ils occupent.
    Ces problèmes de baux administratifs, je les ai réglés il y a 20 ans. Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas claires là-dedans. nous réglerons ces problèmes, mais nous voulons d’abord faire un audit. nous voulons savoir si ces maisons dites baillées le sont véritablement. Quelquefois, il y a des adresses qui sont vides. Et pourtant, l’Etat paye des millions à des personnes. Une fois que les audits seront terminés et que tout sera clair, ces baux seront payés régulièrement. Et les arriérés reconnus comme tels seront payés sur une certaine période. Comme nous le ferons dans tous les secteurs, nous voulons rassurer les policiers que c’est important qu’ils aient un minimum de confort… Ces gens font un travail difficile et ce n’est pas normal qu’en rentrant chez eux le soir, ils aient des problèmes avec leurs propriétaires. Ce n’est pas normal. Je n’ai pas voulu entrer dans une série de considérations. Mais, vous savez, j’ai trouvé un Etat déliquescent. la Côte d’Ivoire était en faillite économique et morale. C’était la honte ! Je n’ai pas besoin de crier les choses, de donner des exemples. tout le monde le sait. la manière dont certains dirigeants se comportaient, la Côte d’Ivoire était divisée du fait des autorités elles-mêmes. la Côte d’Ivoire s’était repliée sur elle-même. Vous savez, il fallait ouvrir la Côte d’Ivoire, rassurer nos compatriotes. Il fallait montrer que les choses qui n’ont pas été faites, nous pouvons les faire. Que nous pouvons reconstruire, réhabiliter les universités, réhabiliter les routes, avoir de nouveaux projets et que des emplois seront créés, etc.
  • Vous allez visiter prochainement la région ouest. Quel message allez-vous délivrer aux populations ? Beaucoup pensent que la déstabilisation de la Côte d’Ivoire pourrait venir de cette partie du pays.
    non. Cette question de déstabilisation, j’ai lu cela dans la presse. Mais considérez que la Côte d’Ivoire est stable maintenant. Il n’y a pas de risque de déstabilisation. Certains peuvent se faire des illusions. Comme disait le président houphouët, on ne peut pas empêcher quelqu’un de rêver debout. Ceci étant, à l’ouest, il y a eu des problèmes sérieux, des massacres. la Commission nationale d’enquête a fait un travailimportant là-bas. Mais je n’ai pas voulu y aller en visite d’Etat, il y a six mois. parce que je ne voulais pas aller à l’ouest pour me faire applaudir. Ce n’est pas comme cela que je vois ma fonction. J’ai demandé au Premier Ministre d’alors de mettre en place un fonds spécial pour réhabiliter les écoles, les dispensaires, fournir des médicaments, reprofiler les routes, doter les préfets de véhicules, reconstruire les préfectures. C’est tout ce qui est en train d’être fait. C’est quasiment bouclé. J’irai donc dans l’ouest dans la période du 21 au 24 avril. Que leur dirai-je ? A mes compatriotes de l’ouest, je leur dirai qu’ils ont été pris dans un traquenard. Ils ont été manipulés. Certains politiciens les ont utilisés. Mais tout cela est derrière nous. nous sommes tous Ivoiriens, nous devons tous maintenant nous mettre ensemble pour reconstruire notre pays. J’ai fait plus d’investissements à l’ouest que nulle part ailleurs depuis que je suis président. Ce que je continuerai. D’ailleurs, le nombre de réfugiés qui était de plus de 220.000 est maintenant à moins de 90.000. C’est dire que les Ivoiriens reviennent. Et qu’ils commencent à avoir confiance. Je dirai aussi que tout cela est très dur, mais il faut se réconcilier. Il faut qu’on accepte de vivre ensemble. si nous n’arrivons pas à avoir cela psychologiquement comme objectif, nous ne pourrons pas aller de l’avant. la réconciliation est une priorité. pour la réconciliation, il faut également, exprimer des regrets. Ceux qui ont commis des actes criminels, ou semicriminels doivent pouvoir exprimer leurs regrets, demander pardon. Ceux qui ont été des victimes doivent pouvoir aussi accepter leur pardon. Je vais plus loin. les victimes seront mes priorités. Quand j’ai reçu le Président de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation, je lui ai dit de commencer par le recensement des victimes. s’il faut que je mette sur les cinq années à venir, 50 ou 100 milliards de F cfa dans un compte spécial pour dédommager les victimes, je le ferai. C’est une priorité.
  • La réconciliation, vous l’avez dit, est une priorité. Un an après votre avènement au pouvoir, où en êtes-vous ?
    nous en sommes au point où la Commission a commencé un travail depuis son installation en décembre. Elle fait du bon travail à travers le recensement, l’implantation, l’organisation. nos compatriotes sont impatients parce qu’il y a des choses qui se font. C’est ce qu’il faut remarquer. si rien n’était fait, l’on dira, de toute façon, ça ne va pas changer. sincèrement, la réconciliation n’est pas seulement l’affaire d’une Commission. C’est notre affaire à tous, celle de chaque citoyen ivoirien. Cela concerne toutes les institutions, le gouvernement. si nous ne nous réconcilions pas, dans un pays de 23 millions d’habitants, quel rôle voulons- nous jouer dans la sous-région avec une population d’autres Africains venus s’installer chez nous ? si entre nous-mêmes, nous ne parvenons pas à nous réconcilier, comment voulez-vous que nous soyons crédibles dans nos relations avec les autres ? la réconciliation est une priorité. Une Commission a été mise en place. Vous dites que ce n’est pas assez. Mais ça va s’accélérer. nous mettrons les moyens à sa disposition. Et j’en appelle à nos concitoyens pour dire que la réconciliation, c’est l’affaire de chacun de nous.
  • On ne voit pas beaucoup de signes de réconciliation. Le Président reste campé sur ses positions. Le transfèrement de l’ancien Président à La Haye ne constitue- t-il pas le plus gros obstacle ?
    Voici une situation où il y a eu 3000 morts. Et pendant la crise, nous-mêmes avions dit que c’étaient des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité. nous n’avions pas des outils pour le faire au plan juridique. nous n’avions pas de juges, de tribunaux, de greffiers, …. Même quand on nous accusait d’avoir une justice des vainqueurs. s’agissant du transfèrement à la haye, il est clair que la justice ne peut être considérée comme étant partiale. les gens devaient s’en réjouir. En plus de cela, pour montrer qu’elle est vraiment impartiale, nous avions demandé que la période d’examen soit seulement la période post-crise, après le 11 avril 2011. Mais la Cour pénale internationale a décidé d’étendre les enquêtes à 2002. Cela montre son impartialité. Je considère qu’il ne faut pas mélanger les choses. Quand on commet des crimes, on doit être jugé. Ma préférence est de juger nos compatriotes ici en Côte d’Ivoire. Mais l’ancien président avait juré sur la constitution de défendre les Ivoiriens, la Côte d’Ivoire, et il ne l’a pas fait. De son fait, 3000 personnes ont été tuées. Voulez-vous que cela soit impuni ? Je ne le pense pas.
  • La réconciliation, Monsieur le Président, ne peut se faire sans justice et pardon. Mais pour l’heure, ne sont arrêtés et recherchés que les membres de l’opposition.
    Concernant la justice, il y a des procédures. Voulezvous que j’aille attraper des gens pour les mettre en prison ? J’ai indiqué qu’il y a une commission d’enquête qui est en train de faire son travail. C’est cela l’état de droit. Ce sont les enquêtes préliminaires qui ont conduit l’ancien président à la Haye. Je suis donc à l’aise pour parler de ces questions parce que je suis un démocrate. Je suis fier que mon pays puisse être considéré maintenant comme un état de droit et que la justice soit la même pour tous.
  • La réconciliation est l’affaire de tous les Ivoiriens. Je vous lis la réflexion d’un grand intellectuel, en l’occurrence Zadi Zaourou : « Il n’y a jamais eu et il ne saurait y avoir de réconciliation par procuration ou par contumace. Les sujets à réconcilier doivent être tous présents dans l’espace national et libres de se parler, s’ouvrir les uns aux autres…il faut que ceux qui sont exilés reviennent au pays, et que les prisonniers soient libérés ». Et si cette phrase était la dernière volonté du disparu ?
    Je suis d’accord avec Zadi Zaourou qui est un grand ami, pour dire que les exilés doivent rentrer au pays. J’ai évoqué, tout à l’heure, les tournées que j’ai faites dans la sous-région. Je suis allé au bénin, au togo et au Ghana. J’ai choisi ces pays en priorité pour parler à nos concitoyens qui y vivent et les rassurer qu’ils pouvaient rentrer. beaucoup l’ont fait. Il y a même un colonel qui est revenu au pays avec ses gardes du corps. Il se promène tranquillement en ville parce qu’il n’y a pas encore de procès le concernant. Ces gardes du corps ont été réintégrés dans l’armée. Je fais de mon mieux, mais si certains considèrent que parce qu’ils ont commis des crimes graves, ils ne peuvent pas rentrer et faire face à la justice, on ne peut pas les forcer à rentrer. Et je vais plus loin pour reprendre ce que disait mon ami Zadi Zaourou, moi, je veux que les Ivoiriens soient jugés en Côte d’Ivoire. Mais le transfèrement de l’ancien président est un fait qui relève de son propre comportement. tout le monde a dit que ce qu’il faisait était un crime contre l’humanité. Il a été mis en garde, mais je ne veux pas revenir sur le passé. parlons maintenant de simone Gbagbo, et blé Goudé. Des mandats d’arrêt ont été émis contre eux et la procédure est en cours. Je préfère qu’on les juge ici. peut-être qu’eux, ils voudront aller à la Haye, en se disant que la justice y est plus équitable. Je ne peux pas aller contre leur volonté. Je suis à l’aise sur ces questions parce que je veux protéger les Ivoiriens.
  • Parlons de la réconciliation nationale, vous avez mandaté votre Premier ministre pour renouerle fil du dialogue. Jusqu’où êtes vous prêt à aller ?
    le plus loin possible. Et je l’ai déjà démontré. lorsque je formais le gouvernement, j’ai proposé au Fpi de l’intégrer. Ils ont hésité et ils ne sont pas venus. pour les élections législatives, je les ai reçus, en leur disant : « Ne faites pas la même erreur que le Rdr en 2000, venez aux élections ». Ils ne sont pas venus. J’espère que pour les élections régionales, ils viendront. Dans tous les cas, ils ne peuvent pas poser de préalable, je ne l’accepterai pas. pourquoi veulentils poser des conditions alors qu’ils ont conduit le pays dans la situation dans laquelle il se trouve aujourd’hui ? le dialogue doit être ouvert. Chacun exprimant sa position. C’est dans l’intérêt national qu’on se retrouve. Je souhaite que le premier ministre réussisse mieux que moi à les convaincre. Ils ont intérêt à venir maintenant parce que les choses vont aller très vite au plan économique.
  • Parlant des élections régionales, iriez-vous en Rhdp ?
    Je ne participe plus aux réunions du rhdp. Je respecte la Constitution. Je suis au-dessus des partis. C’est M. bédié qui est le président du rhdp. Il appartient au rdr, au pdci, au Mfa et à l’Udpci de régler ces questions. Ce qui m’intéresse, aujourd’hui, c’est de rendre service à mes compatriotes.
  • Lorsque vous avez nommé un nouveau Premier Ministre, les Ivoiriens s’attendaient à un nouveau gouvernement. Finalement, il n’y a pas eu de changement et vous avez été très menaçant au premier Conseil des ministres.
    Je ne menace pas. Mais, j’ai une philosophie très simple. peut-être parce que je suis allé aux Etats-Unis à 20 ans . Je crois avoir une équipe. Et à travailler avec elle pendant un laps de temps. J’ai été élu pour cinq ans. J’ai promis à mes compatriotes que j’allais former un gouvernement de 25 à 30 membres. Mais quand j’ai vu l’état de délabrement du pays, je me suis dit qu’il faut aller au-delà. par exemple, en ce qui concerne le logement, je me suis dit qu’on ne pouvait pas laisser ce département dans un grand ministère de la Construction, de l’Urbanisme. C’est le même cas pour l’emploi et la Jeunesse, et même la salubrité. Ma philosophie, c’est de garder la même équipe pendant un laps de temps parce que c’est elle qui sera jugée à la fin. j’ai renouvelé ma confiance aux ministres, cela ne veut pas dire que durant cette période, je ne peux pas en enlever deux, trois ou dix. si je constate, à un moment donné, qu’un ministre ne me donne pas satisfaction, il sera remplacé, en accord avec le premier ministre. Mais ce que je ne veux pas, c’est l’injustice. Voici des femmes et des hommes qui ont été nommés, pour la plupart, le 1er juin 2011. le gouvernement a été mis en place, ils ont passé quatre mois à chercher des bureaux, des équipements pour s’y installer, à peine six mois après, je ne vois pas pourquoi je devrais les changer. si j’en avais changé, il y a deux semaines, on aurait pris un à deux mois à renouveler les cabinets. Maintenant, ils sont au travail. Ils ont donné des chronogrammes par rapport aux projets. Ils ont trouvé les financements et tout est en place pour que le taux de croissance soit de 8%. l’an dernier, on a constaté une chute de la croissance à 5%. C’est vous dire que ces ministres ont commencé à faire du bon travail. Et s’ils continuent, je vais les garder jusqu’à la fin de mon mandat. Mais, je ne veux pas faire de la politique politicienne.
  • Le taux de croissance de 8% est-il conditionné par le point d’achèvement Ppte prévu en juin prochain ?
    non. Je parle des efforts fournis par les Ivoiriens euxmêmes. C’est l’organisation de l’état. Je parle de reconstruction, de réhabilitation. C’est parce que maintenant l’état est géré. les Ivoiriens savent que s’ils ne vont pas au travail, ils seront sanctionnés. C’est ce qui fait que les choses avancent, que l’économie repart.
  • Fondez-vous beaucoup d’espoir dans le Ppte ?
    bien sûr, j’ai eu des assurances qu’au mois de juin au plus tard, nous aurions l’allègement de la dette. Mais, j’aime bien l’investissement public. C’est-à-dire, tout ce qui est fait par le gouvernement. Et ce qui m’intéresse tant, c’est le travail des Ivoiriens. Que nous travaillions plus pour avoir plus d’impôts, et de recettes douanières, etc. En deuxième lieu, je suis un libéral, je privilégie le partenariat avec le secteur privé, les grosses entreprises sérieuses, qui viendront en Côte d’Ivoire pour investir des millions d’euros. sur le dernier mois, il y en a trois qui sont venues et vont investir sur les trois ans à venir, trois milliards d’euros dans le secteur du gaz, du pétrole, du chemin de fer, des routes… Mon programme de 15 milliards de francs Cfa prévoyait, à peu près, le quart. Mais nous avons dépassé ce chiffre. D’ici à cinq ans, il y aura un rebond de croissance et l’opposition a intérêt à se joindre à cette reconstruction.
  • L’une des conséquences de l’annulation de la dette extérieure est le renforcement de la capacité d’emprunt de la Côte d’Ivoire. Quelle sera la nouvelle politique d’endettement de la Côte d’Ivoire pour que les futurs enfants ivoiriens n’héritent pas de dettes colossales ?
    nous avons moins de dettes que la France, l’Allemagne ou d’autres pays. Avec l’annulation de notre dette par le ppte, nous allons tomber à près de 15%. Je pense que c’est un niveau raisonnable. Après cela, je n’irai plus emprunter auprès les institutions publiques. J’irai sur les marchés financiers. si par exemple, j’ai besoin d’un milliard d’euros pour investir dans le chemin de fer, parce que j’ai une bonne signature et un déficit quasiment nul, le taux d’inflationest bas et le pays est bien géré-, j’irais emprunter sur les marchés internationaux. Ce ne sera plus nécessaire d’aller au Fonds monétaire international ou à la banque mondiale. C’est ce que j’avais comme ambition en 1990 quand j’étais premier ministre. Je suis content qu’avant la fin de mon mandat, nous puissions le faire. Ce sont des prêts qui seront affectés à des projets qui financeront le remboursement. Ce ne sera plus un endettement qui va peser sur les Ivoiriens ou nos enfants, comme ce que nous avons vécu.
  • Le moral des familles est au plus bas. Le kilogramme de viande est passé de 1800 francs à 2000, 2500 francs, selon les marchés…
    Quatre bananes plantains coûtent 500 francs…. Ce n’est pas acceptable. le taux de pauvreté en Côte d’Ivoire s’est accéléré ces dix dernières années. la moitié des Ivoiriens n’a pas plus d’un dollar par jour. si le coupe travaille, cela veut dire qu’il gagne 1000 francs. C’est-à-dire 30 mille francs par mois.
  • Que faites-vous pour régler le problème ?
    Je constate. Et je me rends compte que les prix varient d’un marché à l’autre. Cela veut dire que la surveillance des marchés n’a pas fonctionné. Il y a eu beaucoup de corruption dans l’administration.Cela veut dire aussi que des commerçants sont protégé par des cadres de l’administration. si vous prenez l’exemple de la viande. Il y a tous ces rackets d’un point à l’autre qui ont été tolérés pendant des années. nous sommes en train d’y travailler. nous allons réussir à y mettre fin. Il y a des intermédiaires qui prennent des marges inacceptables.Il y a toute une série de mesures à prendre, y compris augmenter l’offre. les prix augmentent parce qu’il n’y a pas suffisamment de produits sur le marché.
  • Il y a peut-être aussi trop de taxes.
    Je vais baisser les taxes. Je ne crois pas du tout à la taxation. Quand j’étais premier ministre, nous avions baissé la tva et les droits de douane. si je peux convaincre les autres pays de l’Uemoa, je le ferai pour que nous continuions à baisser les taux de tva. Je m’intéresse au long terme. on pourrait ramener le taux de douane à 10%. pourquoi fait-on payer à quelqu’un 20% de droit de douane? Mais on ne peut procéder à des baisses importantes des taxes que si l’économie marche à tel point que l’impôt direct peut procurer la substance des recettes. J’ai les recettes pour de telles mesures. Je comprends que les Ivoiriens souffrent. Ces prix qui galopent tout le temps, ce n’est pas acceptable. le premier ministre a pris des engagements. Il a fait le tour des marchés. nous avons identifié les problèmes. nous-mêmes avons repéré des commerçants qui trafiquent les prix.
  • Le Premier Ministre a pris des engagements. Son prédécesseur en avait fait de même. Et les choses n’ont pas pour autant changé…
    Donnons-nous un peu de temps. Il y a eu tellement de progrès en un an que l’on pense que tous les problèmes doivent être résolus en un mois. Quand des stocks de riz ont été commandés, il est clair qu’ils doivent être écoulés sur une certaine période. Désormais, nous allons commencer à vérifier les prix de la marchandise à son départ.
  • A partir de quand les Ivoiriens sentiront-ils l’impact des mesures de lutte contre la cherté ?
    le premier ministre a donné un délai de trois mois. C’est un dossier que je surveille de près.
  • C’est très long.
    C’est long pour nous tous. Et je le regrette. Je veux que mes compatriotes comprennent que c’est un souci pour moi. le coût élévé de la vie est quelque chose que j’ai combattu quand j’étais dans l’opposition. Il y a trois ans, lors de mes tournées, je disais que le coût de la vie était trop élevé. nous avons aujourd’hui des recettes. Même si elles tardent à produire des résultats. Mais ces résultats viendront. nous travaillons pour que cela marche.
  • Le Smig qui passe, en 2012, à 60 mille francs, je ne dirai pas que c’est ridicule, mais je ne pense pas que cela puisse aider les gens à changer de qualité de vie.
    C’est pour cela qu’il faut faire croître l’économie. on ne peut payer que ce que l’on a. Vous savez que quand on parle de pib et autres, cela s’applique aux ménages. si une entreprise ne peut payer que 60 mille francs, si vous l’obligez à payer 100 mille francs, elle va faire faillite. les employés n’auront même plus les 60 mille parce que l’entreprise aura disparu. tout doit donc êtrgéré avec délicatesse. nous devons tout faire pour améliorer le quotidien des Ivoiriens. Je m’emploierai à continuer à le faire. Mais je ne veux pas faire de la démagogie. Je considère que les entreprises qui travaillent en Côte d’Ivoire font beaucoup. De plus, il y a le volet social qui existe dans beaucoup d’entreprises que les gens ignorent. Ce sont des indemnités, des frais spéciaux et autres actions de soutien aux employés. Vous direz que ce n’est pas assez. D’ailleurs, c’est mieux d’avoir des salaires conséquents que d’avoir des cadeaux de son employeur.
  • On constate des difficultés dans la distribution de l’eau et de l’électricité. Comment expliquez-vous cela ?
    Je pense que maintenant cela va mieux. lorsque je prenais fonction, le déficit en eau était quasiment de 45%. C’est-à-dire que c’est un ménage sur deux qui avait accès à l’eau. nous avons réussi à réduire ce déficit de moitié. Et dans 18 mois, nous n’aurons plus de déficit en eau potable sur Abidjan. A l’intérieur du pays, c’était pire. le déficit était au delà de 70%. Vous devez savoir que j’ai trouvé un pays à terre, délabré. C’était un pays qui n’avait pas été géré pendant 10 et 11 ans. Vous me direz que ce n’est pas une excuse. Mais attendons la fin de mon mandat. En un an, pardonnez-moi, je peux dire que j’ai fait plus qu’en dix ans. Ça se voit au quotidien dans tous les secteurs. Et je continuerai. Je veux que chaque jour soit un jour de rendement et de productivité. pour que chaque semaine, je puisse dire que c’est ma dernière semaine comme Chef de l’Etat. Et que j’ai eu la satisfaction d’avoir aidé mon pays. si j’ai voulu être président, c’est parce que je voulais apporter ma contribution à mon pays. Je n’avais pas besoin d’être président. Je l’ai dit pendant la campagne partout où je suis passé. Croyez-moi, c’est bien le cas. Quand vous devez travailler 14 à 15 heures par jour. Vous n’avez plus de vie de famille. Vous travaillez samedi et dimanche. A 70 ans, j’aurais bien voulu me reposer. Mais je tiens à sortir mon pays de ses difficultés. Et je vais réussir parce que j’ai prêté serment pour soulager les Ivoiriens et les protéger. Et je continuerai jusqu’à ce que je n’aie plus la force de le faire. Je peux vous dire que j’ai encore beaucoup de force.
  • Quelle politique d’accompagnement pour les personnes licenciées ? Iront-elles grossir le nombre des chômeurs ou y aura-t-il une mesure d’accompagnement?
    Une entreprise, même si elle est publique est gérée selon les règles de la bonne gestion. Je le disais tout à l’heure, si vous payez des salaires trop élevés pour vos charges, votre entreprise fera faillite. Il y a eu des licenciements, mais nous n’avons pas demandé une telle situation. Quand le directeur général d’une société se rend compte que son entreprise ne peut pas prospérer avec le nombre pléthorique de travailleurs qu’elle a, il ne peut que décider de réduire ses effectifs, comme l’Etat prend l’engagement de réduire son train de vie quand il n’a plus les moyens. n’allez donc pas me rendre responsable des licenciements qui se font dans telle ou telle entreprise, puisque je n’en suis pas le directeur général.
  • Mais dans un pays, quand quelqu’un est sans emploi ou lorsqu’un travailleur perd son emploi, on regarde du côté du Président de la République…
    Effectivement, le rôle du président de la république, c’est de créer des emplois. C’est d’ailleurs ce que je suis en train de faire.
  • Vous avez promis un million d’emplois…
    oui, mais j’ai trouvé un pays complètement dégradé, où il fallait d’abord remettre les choses en place. Malgré cela, j’ai réussi à créer près de 50.000 emplois. C’est vrai que je ne suis pas sûr d’atteindre le million d’emplois que j’ai promis parce que, quand je faisais la campagne, je ne savais pas que la Côte d’Ivoire était dans un tel état. J’ai découvert un pays qui était dans le gouffre. Il fallait donc le sortir de cet état d’abord. C’est a près cela qu’on peut commencer à avoir des résultats. nous avons eu le mérite de créer 50.000 emplois en six mois, ce que les autres n’ont pu faire en dix ans. Faites vous-même la comparaison.
  • L’Université de Cocody a été fermée pour travaux de réhabilitation et sa réouverture est annoncée pour le 3 septembre. Pensez-vous que les travaux avancent comme vous le voulez ?
    les travaux se terminent en fin mai.
  • Etait-il vraiment nécessaire de fermer l’université ?
    oui, c’était indispensable. Je voudrais savoir si vous êtes allé sur le campus, il y a deux ans. Ce n’en était pas un. lors de mes tournées, quand j’étais dans l’opposition, j’ai trouvé des écoles sans toit ni bancs à bouna. Aujourd’hui, tout cela n’est plus qu’un vieux souvenir. les élèves ne craignent plus, s’il pleut, de ne plus avoir de classes. J’ai mis le programme présidentiel d’urgence en place. Je peux vous donner des chiffres. nous avons fait des choses spectaculaires pour le pays. peut être qu’on ne s’en rend pas compte, quand on est dans sa ville. nous avons réhabilité 32 hôpitaux généraux pendant une période de six mois. A ce niveau, 80% sont quasiment terminés. nous avons livré 14 ambulances sur 15 dans plusieurs villes, notamment à Anoumanbo, Dabou, Daloa, Man, toulepleu. nous avons également livré 22 groupes électrogènes, 30 postes de dialyse neufs au samu, 3 milliards de Fcfa de médicaments 2.500 pompes ont été réhabilitées dans 2487 villages, 7 systèmes d’hydraulique villageoise, 44 fontaines, 866 478 kits scolaires pour les classes de Cm, 45 750 tables-bancs. pendant dix ans, pensez-vous que ceci a été fait? J’ai réalisé tout cela en six mois. Multipliez cela par douze, vous verrez ce que sera la Côte d’Ivoire à l’horizon 2015.
  • Revenons à l’université. Ce sont 30 000 étudiants qui attendent de reprendre les cours à l’université d’Abidjan Cocody, 7000 à Abobo-Adjamé, 20000 à Bouaké. Le problème qui va se poser dans la capitale du centre, c’est que quand l’université va rouvrir ses portes, Bouaké ne pourra accueillir que 8000 étudiants, les autres resteront sur le carreau. Est-ce que les universités réhabilitées pourront accueillir tant d’étudiants ?
    Ce sera difficile, mais il fallait le faire. nous prévoyons d’agrandir Korhogo et Daloa en les transformant en universités, dès septembre 2013. En 2014, je ferai les universités de san-pedro, bondoukou et d’Abengourou. J’espère qu’avant la fin de mon mandat, j’aurais construit au moins cinq universités. C’est vrai qu’il y aura un problème pendant quelques années. Je suis désolé pour tous ces jeunes qui, pendant des années, en réalité, n’ont pas eu d’environnement universitaire et les professeurs qui n’avaient pas vraiment les structures nécessaires pour faire leur travail. Je signale que, malgré la réhabilitation, je continue de payer les professeurs. on aurait pu décider de ne payer que la moitié du salaire. J’ai dit qu’il fallait en payer l’intégralité. Je souffre de voir que tous ces jeunes gens qui avaient leur bourse ne l’ont plus. nous allons revoir tout ce système, les conditions d’accès aux bourses, dès la rentrée académique. Comme je l’avais fait, il y a vingt ans, elles seront octroyées sur la base du mérite, et des capacités financières des familles. si quelqu’un est ministre, son fils n’aura pas de bourse, ainsi de suite. Il faut des critères pour tenir compte du rééquilibrage social et nous devons faire preuve de solidarité et montrer à nos compatriotes que nous avions de la chance. nous devons laisser la bourse aux personnes qui n’ont pas les moyens. tout cela sera revu pour la prochaine rentrée universitaire. Vous avez vos chiffres, moi également, j’ai les miens, c’est un casse-tête pour moi. Je dis à mes compatriotes que je suis confiant dans le fait que je vais faire ces cinq universités avant la fin de mon mandat. Je l’avais promis, et je tiendrai mes engagements.
  • Je vous donne la source de mon mot. Il s’agit, auriez-vous dit, «d’un simple rattrapage. Sous Gbagbo, les communautés du nord, soit 40% de la population, étaient exclues des postes de responsabilité ». Vous continuez, en parlant de l’armée : «Sur ce terrain- là, on ne peut rien me reprocher»…
    ce n’est pas moi qui ai utilisé le terme «rattrapage», mais je n’engagerai pas de polémique. le terme a été employé par le journaliste. Je lui ai dit que j’ai pour philosophie la compétence qui doit être le motif de tout recrutement. Quand, dans un département, on trouve des gens incompétents, il faut les virer. on procède par appels à candidature, pour recruter les plus méritants. parce que le système antérieur avait délibérément exclu une certaine catégorie de gens, pas seulement les nordistes, il y avait aussi des gens du centre. Maintenant, ceux-ci ont l’opportunité de se faire recruter. cela fait que peut-être les gens considèrent qu’il y a un déséquilibre. voilà ce que j’ai eu à dire. ceci étant, je ne connais pas ces questions d’ethnie, de religion. Je l’ai démontré quand j’étais premier ministre. Je ne connais pas le tribalisme. Je vais plus loin pour vous dire que les nominations qui sont de mon ressort sont celles des présidents d’institution et des membres du gouvernement. regardez les présidents d’institution que j’ai nommés. Il y a toutes les ethnies du nord, du sud, de l’ouest. Je tiens compte de cette géopolitique. Je n’avais pas besoin de prendre quelqu’un comme Francis wodié qui n’est pas de mon parti et n’a jamais travaillé avec moi. pourtant je l’ai nommé président du conseil constitutionnel. Je n’avais pas également besoin de prendre Zadi Kessy, mais c’est quelqu’un que je connais, qui a apporté sa contribution au secteur économique. Je peux continuer ainsi. Je ne regarde donc pas l’origine, la religion et l’ethnie. J’ai décidé de former un gouvernement selon des critères très simples. J’ai gagné ces élections grâce au pdci et à l’udpci. a partir de là, nous avons ensemble discuté de qui doit être au gouvernement. et vous verrez que toutes les composantes de la nation y sont. la seule chose que je regrette, c’est qu’il n’y ait pas assez de femmes. Je le dis avant que vous ne me posiez la question.
  • Quel bilan faites-vous de l’opération soins gratuits ?
    c’est une opération qui n’a pas marché, parce que la conception, dès le départ, n’était pas bonne. c’est un dossier que nous avions imaginé lors de notre séjour à l’hôtel du Golf. Mais, si nous nous référons à mon programme de gouvernement, j’avais dit que la gratuité des soins était pour toutes les familles défavorisées. Mais en raison de la crise, nous avons voulu, pour quelques mois, l’étendre à tout le monde pour dissiper un peu l’état de délabrement et de pauvreté. ce soutien a coûté, pendant la période en vigueur, 4 ou 5 milliards par mois. J’étais amené, lorsque je recevais des ambassadeurs, venus d’horizons divers, des chinois, des Indiens, des européens, des africains, à les inviter à m’offrir des médicaments. Malheureusement, ces médicaments ont été détournés. toute chose qui pose le problème de la corruption dans nos systèmes. la côte d’Ivoire a souffert d’un problème de moralité dans tous les secteurs. la mise en place donc du bilan de l’opération “ soins gratuits ” revenait trop chère. ce qui m’a fait revenir à mes prévisions de départ, c’est-à-dire, soigner gratuitement les enfants de 0 à 5 ans. les femmes bénéficient de soins gratuits pour la grossesse par exemple. de manière concomitante, nous mettrons en place la couverturemédicale universelle qui marchera, parce que c’est un système qui sera financé. avec une modique contribution, un forfait dérisoire, tout Ivoirien aura droit à des soins.Même si j’aurais souhaité - comme diraient les anglais - que ce soit hier, les spécialistes de la question sont encore à pied d’oeuvre et n’ont de cesse de me rassurer. J’espère pour ma part que d’ici à la fin de l’année, nous pourrons mettre en place, la couverture médicale universelle. c’est essentiel, parce que si nous n’avons pas une société en bonne santé, l’efficacité et la productivité de l’économie s’en trouveront affectées et éprouvées. l’enseignement et la santé étant les meilleurs investissements, je puis vous assurer que dans les deux ans à venir, je réhabiliterai tous les chu (ndlr : centre hospitalier universitaire), tous les chr (centre hospitalier régional) et je respecterai les promesses affichées lors de mon programme de campagne. Je répète que je vais mettre des centres de santé dans toutes les localités qui ont plus de 2000 habitants. les coûts ayant été évalués, une partie des ressources ayant été trouvée, avec le ppte (ndlr : pays pauvres très endettés), je réussirai à donner un soutien efficace et très remarqué au social, c’est-à-dire à la santé qui est une priorité. Je tiens à augmenter le montant que nous consacrons aux investissements de la santé.
  • Votre programme, Monsieur le Président, était porté par un slogan : « Ado solutions ». Vous venez d’avouer les difficultés que vous éprouvez à caser les étudiants ivoiriens. Vous reconnaissez le non succès du projet « soins gratuits », les problèmes d’insécurité qui sont encore, malgré quelques avancées, présents. Finalement, à l’épreuve du pouvoir, n’avezvous pas plus de problèmes que de solutions ?
    Moi, je trouve qu’en 9 mois, j’ai apporté beaucoup de solutions aux problèmes de nos concitoyens. J’ai encore un peu plus de quatre ans à diriger. Je suis persuadé qu’à l’issue de ces 4 ans, mes compatriotes diront « Vous avez tenu vos promesses ».
  • Vous promettiez de faire de la Côte d’Ivoire, à l’horizon 2020, un pays émergent. On se demande avec quels ressorts économique, diplomatique, politique et humain, finalement?
    J’ignore de combien de temps nous disposons encore. et je ne sais pas si ce sont des questions dont nous pouvons discuter longuement. Mais de politique, de diplomatie, nous avons déjà parlé. concernant l’économie, les choses ne sont pas très complexes. la côte d’Ivoire est une économie qui fait environ 25 milliards de dollars. Mon objectif est d’atteindre un taux de croissance de 10% par an. cette année, nous sommes à 8%, l’an prochain nous serons à 9 ou 10 % et pour les 7 ans à venir, nous atteindrons le double. le revenu par tête d’habitant est de 1200 dollars, et si j’augmente ce chiffre de ¾, je suis à 2000 dollars par tête d’habitant en 2020. ces chiffres ne sont pas une vue de l’esprit, mais représentent plutôt le résultat d’un travail de calcul que nous avons effectué. nous savons comment obtenir cette croissance grâce à nos grands projets relatifs au gaz, aux autoroutes, aux chemins de fer. c’est un investissement humain (aussi bien dans le social que dans l’éducation). Il y a également l’agriculture, l’autosuffisance alimentaire. Je puis vous assurer que nous disposons à 80 % des financements, étant entendu que l’intégralité de ces projets a été évaluée. nous allons réussir à faire de la côte d’Ivoire un pays émergent ; en d’autres termes, un pays qui se rend compétitif sur les marchés internationaux de capitaux, pour emprunter. en clair, la côte d’Ivoire n’aura plus besoin de solliciter la banque mondiale ou le Fonds monétaire international. Moi, j’ai des ambitions pour mon pays, et c’est la raison pour laquelle je voulais être président. Je suis en train de tenir les promesses faites à mes compatriotes. Mes premiers résultats ne sont pas mauvais, mais nous allons progresser encore plus vite. J’ai un rêve, comme disait Kennedy et mon rêve c’est que l’Ivoirien nouveau soit un homme serein, un être fier qui se sente bien avec lui-même, avec son prochain et qui se dise que le travail est la voie du succès. Il faut arrêter les pratiques anciennes de népotisme, de favoritisme, parce que seul le mérite sera récompensé. si les etats unis sont un grand pays, c’est parce que ses habitants, qui ont intégré le travail dans leurs moeurs, se sentent avant tout et d’abord comme américains. notre réaction à nous devra être de clamer « Je suis Ivoirien » et non de dire « je suis du nord, ou du centre, du sud, etc.» Mon rêve est que nous puissions dépasser toutes ces divisions du passé, et que nous devenions des personnes différentes de celles d’il y a 5 ou 10 ans. J’aimerais qu’on dise des Ivoiriens que ce sont des personnes sûres d’elles-mêmes, des personnes qui en veulent, qui avancent, qui sont redevenues le troisième pays du continent. voilà mon rêve pour mon pays.
  • Où en sommes-nous aujourd’hui avec les grands travaux que sont le 3e pont baptisé Henri Konan Bédié, l’autoroute du nord, le train à l’ouest… ? On voit quelques machines…
    on voit quelques machines, dites-vous? après tous les investissements qui sont prévus, 160 milliards d’investissements en 2 ans ! rendez-vous au port, il y a de nombreux tracteurs qui arrivent.
  • Etes-vous optimiste que tous ces projets seront réalisés dans les délais ?
    ce n’est pas moi. ce sont les ministres. si ces projets ne sont pas réalisés dans les délais, les ministres ne seront plus en fonction. c’est la culture du résultat. Je ne changerai pas de gouvernement. ne comptez pas sur moi pour changer de gouvernement. ce n’est pas ma méthode de travail. Ils sont à leurs postes. Je leur fais confiance pour les 5 années de mon mandat. Mais s’il y a des dérapages, s’il n’y a pas de résultat, je n’attendrai pas un remaniement ministériel. Ils partiront et je prendrai d’autres personnes.
  • Monsieur le Président, un pays qui se projette dans le futur est un pays capable d’affronter son passé. Ce passé est porté par des hommes, chacun acteur à son niveau de ce qui s’est passé, de ce qui se passera demain. Si nous revenions, avant de finir cet entretien, sur ce qui s’est passé, en nous interrogeant sur ce que chacun a pu faire ou a fait, la question que chacun de nous, en tant que citoyen ordinaire devrait pouvoir poser à chacun de vous, en tant que leader et acteur de premier ordre de la scène politique ivoirienne est celle-ci : quelle est votre part de responsabilité ?
    Je crois que chacun de nous a une part, mais quand quelquefois, on s’est senti victime, la démocratie est difficile à construire. Je pense qu’il y a eu de l’impatience, de ma part, de la part de certains qui m’ont accompagné. Il y a eu des sentiments de graves injustices qui ont provoqué des colères, qui ont conduit à des manifestations, qui ont débouché sur des morts. ce n’est pas comme cela que je vois la côte d’Ivoire. Que je voyais mon combat. Moi, j’ai été aux états-unis à 20 ans, pendant qu’il y avait le mouvement de Martin luther King. J’ai admiré cet homme. J’ai bien connu Mandela. J’ai une vision, que c’est par la paix, l’humilité et le pardon qu’on peut renforcer les liens entre les peuples. Il faut tirer les leçons de ce qui s’est passé. Je considère qu’en tant qu’homme politique, j’ai commisdes torts à mes concitoyens et je demande pardon. parce que si vous n’avez pas le courage de le faire, le pays n’avancera pas. nous devons nous dire que demander pardon n’est pas suffisant. Il faut se dire que ça ne va plus jamais recommencer. ce qui s’est passé ne doit plus se reproduire. nous le devons à notre pays. nous avons un grand pays. le sens de patriote, c’est celui qui veut du bien de son pays. le pays doit être audessus de chacun de nous. et souvenez-vous, nous l’avons dit, le président bédié et moi, beaucoup de gens ont pensé que nous n’allions jamais nous réconcilier, mais nous l’avons fait, parce que nous aimons la côte d’Ivoire. donc, ce que je voudrais dire ce soir à mes concitoyens, c’est de faire preuve d’humilité. demandons pardon. disons que la réconciliation est quelque chose que nous devons obtenir à tout prix et que c’est en chacun de nous, c’est dans chaque foyer, c’est dans chaque village, c’est dans toutes les villes. et nous devons nous prendre la main dans la main. nous devons nous dire que nous avons un rêve pour notre pays, et je crois en Kennedy. Je crois qu’il faut rêver pour réussir, vous voyez ! nous devons nous dire, mais on a un pays qui a un tel potentiel, pourquoi nous ne devrions pas être parmi les premiers en afrique ? Il faut que nous le fassions et il faut se mettre au travail. d’ailleurs, je vais vous dire que mon logo, c’est rti, (rassemblement-travail-initiative). les jeunes doivent prendre des initiatives. Ça a été difficile, mais ils doivent tourner la page. Ils doivent se dire qu’ils ont pu être trompés ici et là, mais ce n’est plus important. Il y a des opportunités qui se créent. Il faut qu’ils en profitent. Il faut qu’ils s’engagent, qu’ils se disent que les erreurs des uns et des autres, ce n’est plus important. si on veut se réconcilier, on ne revient pas sur le passé ; on va de l’avant et il faut qu’ils aillent de l’avant.
  • Cet entretien, monsieur le Président, est le premier que vous accordez à la presse nationale sur le territoire national. Qu’est-ce que vous pensez de la presse ivoirienne et quelle garantie de sécurité pour la liberté de la presse?
    Je crois que nous faisons tout ce que nous pouvons. Je pense que notre presse a joué aussi un rôle et nos journalistes doivent demander pardon aux Ivoiriens. parce que cette presse a été quelquefois terrible. Je ne suis pas le seul à en avoir été victime. beaucoup ont vécu des mensonges, des insultes. Je souhaite vraiment que notre presse s’améliore. d’ailleurs, on a tout un programme de formation de journalistes. Mais, il y a eu de la manipulation aussi par des hommes politiques donc, la presse doit être libre, libre de nous tous, libre des hommes politiques, libre des hommes d’argent. la presse et les journalistes doivent être protégés également,mais ils doivent être responsables. Il y a des lois dans la république et ces lois doivent être appliquées à tous. les journalistes ne font pas exception. un journaliste est d’abord un citoyen. certains journalistes ne font que du journalisme ; d’autres font autre chose que du journalisme. s’ils sont pris sur le terrain qui n’est pas le journalisme, c’est trop facile de dire, nous sommes journalistes, donc, nous ne devons pas être condamnés. Ça, je ne l’accepterai pas. l’état de droit, c’est aussi assumer ses responsabilités. Je résume pour dire que nous avons une presse qui a une lourde responsabilité dans la crise que nous avons vécue. nous devons faire en sorte qu’elle s’améliore. c’est un peu notre responsabilité, en tant qu’autorité publique, de leur donner des opportunités d’aller en stage, de créer et d’alimenter notre fonds de développement et de soutien à la presse. tout cela, je le fais. Je suis en train de le financer. Mais, il faut que les journalistes se disent qu’ils sont d’abord des citoyens et que la loi de la république leur sera appliquée.

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