Visite aux populations de Bouna - Allocution de Son Excellence Monsieur le Président de la République

Visite aux populations de Bouna - Allocution de Son Excellence Monsieur le Président de la République

Visite aux populations de Bouna – Allocution de Son Excellence Monsieur le Président de la République

Monsieur le Premier Ministre ;

Messieurs les Ministres d’Etat ;
Mesdames et Messieurs les Ministres ;
Majestés, Honorables Chefs traditionnels et coutumiers,
Distingués guides religieux,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Monsieur le Préfet de Région,
Messieurs les Généraux,
Mesdames et Messieurs les journalistes,
Chers frères et sœurs, chers parents du Bounkani,

Je voudrais tout d’abord vous remercier pour l’accueil qui m’est réservé ce matin, qui est toujours à la hauteur de l’affection que vous m’avez toujours portée. Cela ne me surprend pas, car le Bounkani c’est chez moi, et le Bounkani m'a toujours accueilli avec beaucoup de chaleur et de ferveur. Malheureusement, ma présence ici aujourd’hui n’est pas pour des motifs de réjouissance.
Les circonstances qui m’amènent aujourd’hui à Bouna sont très graves. Oui, cette belle Région ne mérite pas ce qui lui est arrivé. J’en suis particulièrement meurtri.
Il y a quelques semaines, au mois de Mars, des événements sanglants ont endeuillé le département de Bouna, la Région du Bounkani et toute la Côte d’Ivoire.
Je dois vous le dire très sincèrement qu’en tant que fils de cette région, j'ai été choqué et peiné par ces évènements. D’abord par l’ampleur et la brutalité et aussi par cette vague de violence que je condamne.

Comme l'a dit le Ministre d’Etat Hamed BAKAYOKO tout à l’heure, avant même d’engager mon combat politique, j’avais commencé à écrire mon programme de Gouvernement depuis Washington et je l’avais intitulé « Vivre ensemble ». « Vivre ensemble » parce que j’avais noté les difficultés que notre pays traversait et la nécessite de renforcer le « vivre ensemble » en Côte d’Ivoire, terre de diversité; une diversité qui a fait sa force et qui a forcé l’admiration du Continent et du monde entier.

J'ai donc été blessé et choqué par cette vague de violences et de tueries. Cela n’est pas en harmonie avec le respect que nous avons pour la vie humaine, ni avec notre idée de la tolérance et du « vivre ensemble ». Nous avons tout de suite réagi pour contenir ces conflits et les empêcher de dégénérer, en dépêchant plusieurs Ministres afin d’apporter notre réconfort, notre solidarité et un message d’apaisement aux communautés touchées par ces malheureux événements.

Je suis donc venu, suite aux différentes délégations ministérielles qui m’ont précédé, vous renouveler la compassion de l’Etat de Côte d’Ivoire et de la Nation entière.
J’adresse mes condoléances les plus attristées à toutes les familles qui ont perdu des proches. Je souhaite un prompt rétablissement aux blessés qui continuent de souffrir des traumatismes des violences endurées; des traumatismes physiques et psychologiques.

Chers frères et sœurs, chers parents du Bounkani,

Je suis venu également vous inviter à l’apaisement, à la tolérance, au pardon et à la coexistence harmonieuse entre les différentes communautés. Bouna est une région de convergence de peuples venus d’horizons divers, depuis plusieurs générations. Ces peuples, aux réalités culturelles différentes ont su, pendant des siècles, vivre ensemble et doivent continuer de vivre ensemble. Oui, Vous devez avoir l’amour de vivre ensemble. Vous devez vivre ensemble dans la paix parce que vous êtes des frères et des sœurs.
C’est ensemble que nous pourrons bâtir une Côte d’Ivoire où il fait bon vivre et où chacun peut s’épanouir et aspirer à un meilleur avenir.

Voyez-vous, lors de mes premières visites dans le Bounkani, j'ai été littéralement choqué par le retard que cette région avait accumulé au fil des décennies. Et comme vous l’avez si bien dit, je me suis attelé à faire en sorte que nous puissions relever le niveau de vie des populations, car quand il y a développement, il y a la paix et quand il y a la paix, on peut se développer plus vite. Donc, ce qui vient de se passer est contraire à tout ce que nous avions souhaité pour cette région et pour le département de Bouna.

Je voudrais donc vous exhorter à vous ressaisir les uns et les autres et à faire en sorte que cela ne se reproduise plus.

Chers frères, chères sœurs,

Je sais que les autorités administratives, les autorités en charge de la sécurité, les leaders politiques, les leaders communautaires et religieux de Bouna ont pris de nombreuses initiatives qui ont permis de maîtriser rapidement cette situation dont le bilan en pertes en vies humaines, déjà très lourd, aurait pu être encore plus grave.
Je voudrais donc vous remercier pour votre importante contribution; je vous exhorte à continuer.
Je remercie tout particulièrement Sa Majesté, le Roi Djarakoroni II, les Chefs de Communautés que je viens de recevoir : le Chef Hien de la Communauté Lobi, le Chef Camara de la Communauté Malinké, et l’Imam Cissé. J’exhorte tous les Chefs à renforcer la cohésion, car c’est en paix et dans la paix que vous pourrez faire avancer le Bounkani.

Je remercie tous nos partenaires, en particulier les Agences du Système des Nations Unies, les organisations de la société civile et toutes les bonnes volontés dont l’implication a permis d’apporter une réponse appropriée à la question humanitaire.

Mes remerciements vont également à l’endroit des Forces Républicaines de Côte d’Ivoire, la Gendarmerie, la Police et les forces de l’ONUCI dont la présence a permis de mettre fin aux différents affrontements et favoriser la sécurisation de la localité.

Je voudrais adresser une nouvelle fois toute ma satisfaction à nos Forces de Défense et de Sécurité pour l’excellent travail qu’elles font.

Chers parents de Bouna,

Le Bounkani tient une place importante dans les actions que le Gouvernement entreprend pour mener notre pays sur le chemin de l’émergence. La paix, l’union, la solidarité et la cohésion sociale sont les conditions essentielles pour mener à bien les grands chantiers que nous avons entrepris pour hisser la Côte d’Ivoire au rang des pays émergents. C’est donc ensemble, main dans la main, dans la fraternité et la convivialité, que nos efforts communs peuvent porter les espérances d’une Nation qui souhaite renouer durablement avec la prospérité.
L’élection présidentielle apaisée d’octobre 2015 nous permettait de rêver à une Côte d’Ivoire qui a retrouvé ses valeurs de fraternité et d’hospitalité, une Côte d’Ivoire qui a définitivement tourné le dos à la violence comme moyen de règlement des conflits.

Les événements qui viennent de se passer à Bouna montrent que la paix a besoin d’être constamment entretenue et consolidée. La violence ne doit pas être un moyen de règlement des conflits. Le Gouvernement ne l'acceptera pas.
Les violents affrontements intercommunautaires de ces dernières semaines, liés à un conflit entre agriculteurs et éleveurs, doit nous interpeller sur les causes profondes de la subite aggravation d’une situation récurrente, mais qui a toujours été gérée au mieux des intérêts des parties en conflit par les autorités administratives ou coutumières.

Chères populations du Bounkani,
Chers frères, chères sœurs ;

L’ampleur des dégâts et des tueries, au mois de mars 2016, ne peut être justifiée par un simple conflit entre agriculteurs et éleveurs. Je sais que des mains occultes tirent les ficelles pour pousser les communautés à s’affronter, à s’entredéchirer et à s’entretuer. Cela est condamnable. Je peux vous dire qu’une enquête sera diligentée et nous punirons tous les coupables.

Je voudrais mettre en garde ces ennemis de la paix, tapis dans l’ombre, et qui saisissent toutes les opportunités pour mettre à mal non seulement la coexistence pacifique entre les communautés mais aussi l’unité nationale. Je serai ferme et sans état d’âme. Je veux que les uns et les autres comprennent bien que je ne reculerai jamais devant la nécessité d’instaurer la justice et l’équité dans notre pays. Je suis contre la violence. Et nous ferons tout pour éradiquer la violence.

Notre pays a connu deux décennies de fracture sociale dues à l’intolérance, à l’exclusion et aux calculs politiciens. Ce temps est révolu. Nous devons consolider les acquis du climat social apaisé dans lequel s’est déroulée l’élection présidentielle d’octobre 2015. Les élections locales à venir, ne doivent pas déboucher sur des tensions, violences ou une psychose au sein des populations. Je ne souhaite pas que ce scrutin vienne freiner la dynamique de la réconciliation nationale.

Je veux que les uns et autres, de quelques bords politiques qu’ils soient sachent que si les enquêtes démontrent l’implication de quelques politiques que ce soit, nous prendrons les mesures les plus fermes et les plus vigoureuses. Je suis déterminé à rassembler les Ivoiriens, quelles que soient leurs appartenances ethniques, religieuses ou politiques. Je n’accepterai pas la division des Ivoiriens et la manipulation politicienne.

Je voudrais donc lancer un appel aux leaders politiques, aux élus et cadres, aux leaders d’opinion, aux leaders communautaires et religieux, aux femmes et aux jeunes pour qu’ils accompagnent le Gouvernement dans la consolidation de la paix et le renforcement de la cohésion sociale.

Nous devons tous nous engager dans la construction d’une société respectueuse du droit de chaque citoyen et de nos différences. Le dialogue doit être privilégié comme moyen de règlement pacifique des différends, dans toutes les situations, y compris celles qui semblent les plus difficiles à résoudre.

Majesté,
Honorables et Distingués Chefs,
Mesdames et Messieurs,
Chers parents du Bounkani,

Notre pays a beaucoup souffert de la violence. Je demande que cette violence à Bouna et dans le Bounkani cesse immédiatement. Je demande d'ailleurs que la violence cesse partout en Côte d'Ivoire. Nul n’a le droit de se faire justice, quel que soit le préjudice subi. Nous avons une justice qui fonctionne désormais. Nous avons également un organe de médiation qui est opérationnel, une chambre des Rois et Chefs qui est en place et qui a pour vocation de prévenir et de régler, dans la paix, les différends.

Des enquêtes sont en cours et je peux vous assurer qu’il n’y aura pas d’impunité pour ceux qui ont décidé, délibérément, d’arracher la vie à autrui. Ces enquêtes iront jusqu’au bout et la justice suivra son cours. Il n’y aura pas d’impunité à Bouna comme partout en Côte d’Ivoire.

Des dispositions seront prises pour renforcer la sécurité des biens et des personnes sur l’ensemble du territoire régional et aux frontières. J’ai donné des Instructions au Chef d’Etat-major général et aux Forces de Défense et de Sécurité pour que les forces restent ici aussi longtemps que nécessaire et qu’elles fassent leur travail de protection des populations, toutes les populations, sans exception. A cet égard, une gendarmerie sera créée à Bouna et le commissariat de police sera érigé en district.

Mais combattre la violence et l’insécurité, c’est aussi offrir la possibilité aux populations vulnérables, gagnées par l’oisiveté ou le désespoir, d’exercer des activités génératrices de revenus. Des projets seront donc financés en faveur des jeunes et des femmes de Bouna pour leur permettre de mener une existence dans la dignité.

Chers parents du Bounkani,

Nous devons tirer les leçons des violents affrontements inter communautaires, liés à un conflit entre agriculteurs et éleveurs, pour repenser notre manière de vivre ensemble et nos pratiques culturales et pastorales. Face à l’accroissement démographique, qui provoque une forte pression sur les terres cultivables en milieu rural, et au changement climatique, qui affecte la régularité des saisons, nous devons adapter nos pratiques culturales et pastorales à ces contextes nouveaux. La transhumance, réalité à la fois économique, sociale et culturelle, doit progressivement céder la place à un élevage sédentaire qui offre de meilleures perspectives en termes de rendement et de revenus pour les populations.

La modernisation de notre agriculture et de notre élevage apportera des solutions durables aux conflits récurrents entre les acteurs de ces deux domaines d’activités.

La Côte d’Ivoire ne peut plus s’accommoder d’un élevage transhumant dont les pratiques et les conséquences sur la cohésion sociale ne correspondent plus aux réalités du monde moderne. Une modernisation réduirait considérablement les risques de conflits entre agriculteurs et éleveurs, qui peuvent tirer profit de la complémentarité de leurs activités respectives au lieu de s’affronter.

Chers parents du Bounkani,
En attendant cette mutation, des dispositions seront prises pour réduire les risques de conflits entre les agriculteurs et les éleveurs.  Au nombre de celles-ci, l’on peut mentionner :

  • la mise en place d’un programme de réhabilitation et de construction de barrages pastoraux ;
    •l’aménagement de pâturages à proximité des barrages ;
    •l’aménagement de couloirs de transhumance pour atteindre les barrages ;
    •l’aménagement d’étables pour le repos du bétail et la distribution de compléments alimentaires.

L’ensemble des mesures dans le domaine de l’élevage sera complété avec la construction d’un parc à bétail moderne et du marché central de Bouna pour la relance de l’activité économique.
Le Coût de la reconstruction du marché central est de 355 millions de Francs CFA.
Le Coût du parc à bétail et grenier est évalué à 1 milliard de Francs CFA et le Premier Ministre a reçu instruction de ma part pour ces investissements. Donc, dans l’immédiat, ce sont des investissements additionnels d’1 milliard 355 millions de francs CFA qui doivent être engagés le plus rapidement possible.
Enfin, pour traduire la solidarité de la nation, l’Etat apportera son assistance aux familles des personnes décédées, aux blessés et à toutes les personnes physiques ou morales victimes de pillages et de destruction de biens.

Chers Parents du Bounkani,

Je voudrais profiter de ma présence pour vous dire que l’Etat est engagé auprès de votre région. Nous intensifierons les investissements pour le développement économique et social de votre belle région. Ces investissements concerneront notamment les secteurs de la Santé, de l’éducation, de l’eau ou encore de l’électricité.

Je sais que les coupures d’eau sont fréquentes ici. Nous allons donc procéder à l’extension du réseau pour combler le déficit de 350 m3 à partir de la semaine prochaine.
Je voudrais, pour terminer, renouveler mes condoléances aux parents des personnes décédées.
Je renouvelle mes remerciements à toute la population de Bouna et du Bounkani pour l’accueil qui m’a été réservé.
Nous devons rester unis et solidaires pour conduire notre pays à l'émergence.

J’invite tous les habitants de la région : cadres, chefs, religieux, leaders d’opinion, hommes, femmes, jeunes, paysans… à prendre un engagement devant la nation tout entière et dire :

- Plus jamais ça à Bouna,
- Plus jamais de violence,
- Plus jamais de conflits intercommunautaires dans le Bounkani,
- Plus jamais de conflits intercommunautaires en Côte d’Ivoire.

Notre pays ne doit plus jamais connaître un tel drame. Bouna et le Bounkani doivent aller de l’avant et dans la paix. Je vous exhorte à vous engager résolument dans la paix. Des incompréhensions peuvent exister dans toutes les familles, dans tous les villages, dans toutes les Communautés, mais cela ne doit pas se régler par la violence mais par le dialogue. Le dialogue est l’arme des forts. Donc, je compte sur vous.

Je compte sur Sa Majesté Djarakoroni II et tous les Chefs de Communautés que j'ai rencontrés ce matin et je leur dit que Bouna et le Bounkani sont entre leurs mains.

Je vous remercie.

Bouna, le 30 avril 2016

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